Alerte rouge pour le "journalisme vert" : 10 tués en 5 ans - RSF

26/08/2020 22:00

À l’occasion du “jour du dépassement”, établi cette année le 22 août, Reporters sans frontières (RSF) publie des données alarmantes sur les journalistes qui travaillent sur les questions environnementales : au moins dix d’entre eux ont été tués et plus de 50 violations de la liberté de la presse liées à cette thématique ont été enregistrées en moins de cinq ans dans le monde.

 

Sale temps pour le “journalisme environnemental”. Les exactions contre les journalistes qui travaillent sur des questions liées à l’environnement sont devenues courantes. Brandon Lee en sait quelque chose. Le 6 août 2019, ce journaliste américain basé aux Philippines et travaillant pour l’hebdomadaire Nordis a échappé de peu à une tentative d’assassinat. Ces dernières années, “j’étais suivi, sous surveillance, menacé de mort et signalé sur les réseaux sociaux”, se souvient le journaliste qui couvrait notamment, dans le nord de l’archipel, des sujets environnementaux qui “dénoncent des injustices que tout gouvernement veut dissimuler”. 

 

Cet incident grave est l’un des 53 cas de violations du droit d’informer recensés par RSF depuis la publication du rapport Climat hostile contre les journalistes environnementaux qui dressait, fin 2015, un premier bilan des violations visant spécifiquement les journalistes travaillant sur cette thématique. Les tendances constatées il y a cinq ans se confirment et s’inscrivent désormais dans la durée : en moyenne, près de deux journalistes sont assassinés tous les ans pour avoir enquêté sur la déforestation, l’extraction minière illégale, l’accaparement des terres ou plus spécifiquement sur la pollution, les conséquences environnementales d’activités industrielles ou de projets de construction d’infrastructures majeures.

 

En une décennie, 20 journalistes ont été tués pour avoir traité de sujets environnementaux. Dix d’entre eux l’ont été au cours des cinq dernières années. Neuf de ces derniers ont été froidement assassinés en Colombie (2), au Mexique (1), aux Philippines (1), en Birmanie (1) et en Inde (4). Parmi eux, le correspondant du quotidien hindiphone Kampu Mail, Shubham Mani Tripathi, abattu de six balles dont trois en pleine tête en juin 2020. Le journaliste indien venait de partager sur Facebook ses craintes d’être assassiné par la “mafia du sable” en raison des enquêtes qu’il menait sur des cas d’expropriations illégales

 

A ce bilan de journalistes brutalement éliminés, il convient d’ajouter la mort suspecte, en détention, de Muhammad Yusuf, sur l’île de Bornéo, en Indonésie, en 2018. Le journaliste, qui travaillait pour les sites d’information Kemajuan Rakyat et Berantas News, a été emprisonné, après avoir révélé des affaires d’expropriations illégales liées aux activités d’une société de production d’huile de palme, et après avoir été accusé de diffamation par cette dernière. Son épouse est convaincue que sa mort n’est pas naturelle, car le corps du journaliste montrait des traces de coups portés à la nuque

 

Ce bilan pourrait être encore plus lourd. Ses articles sur les conséquences inhumaines de la pollution des hydrocarbures, ont valu au journaliste sud-soudanais du groupe de presse Nation Media Group (NMG) Joseph Oduha d’être détenu, torturé et sous une telle pression des consortiums pétroliers et des autorités qui l’accusaient de “menacer la sécurité nationale” qu’il a été contraint à l’exil en 2019. De même, en Colombie, Alberto Castaño et María Lourdes Zimmermann, tous deux spécialisés sur les questions environnementales pour Natural Press, ont dû quitter le territoire pour rester en vie. Dans ce pays, où deux journalistes communautaires, Maria Efigenia Vásquez Astudillo et Abelardo Liz, ont été assassinés en moins de trois ans pour avoir dénoncé l’accaparement des terres par des grands groupes privés, les menaces de mort proférées sur les réseaux sociaux sont prises très au sérieux.

 

“Le journalisme environnemental est devenu considérablement plus dangereux qu'il ne l'était par le passé, constate le journaliste Peter Schwartzstein, spécialiste des questions environnementales au Proche Orient et en Afrique du Nord. Auteur du rapport The Authoritarian War on Environmental Journalism, il estime également que cette tendance est “intimement liée à une prise de conscience croissante de l'importance de l'environnement”. L’augmentation de la pollution et les effets visibles du réchauffement climatique ont contribué à sensibiliser le public mais aussi les gouvernements sur “des préoccupations qui étaient hier marginales” et auparavant hors des radars médiatiques.

 

 

Source et article complet : https://rsf.org/fr/actualites/alerte-rouge-pour-le-journalisme-vert-10-tues-en-5-ans